SAMEDI 31 MARS 2012


à 18 Heures
au Temple de l'Oratoire à Nîmes

... Et pourquoi pas !


Henry VAUDÉ, flûte
Céline PIRES, Soprano
Christine RADAIS, violoncelle et clavier
✼ artiste invitée



Au programme :

PAISIELLO : « La Zingarella »  trio flûte chant clavier

VIVALDI: « Domine Deus »,  trio flûte chant clavier

VIVALDI : Allegro d’une sonate pour flûte et basse continue – « Spossa son disprezzata »  trio chant flûte et basse continue-- Allegro d’une sonate pour flûte et basse continue

MOZART : « l'Amero saro costante » trio flûte chant clavier

GENIN : « Carnaval de Venise » opus 14 pour flûte et clavier

DELIBES :  « Le rossignol » trio flûte chant clavier

VILLA-LOBOS : « Assobio a jato » pour flûte et violoncelle
Allegro non troppo – Adagio – Vivo

Marie DUBAS
- « La femme du roulier » Chant et clavier
- « Le tango stupéfiant »  Chant violoncelle et clavier

Jacques DUTRONC  : « Il est 5 heures, Paris s'éveille »  trio flûte chant clavier

Ce concert bénéficie du soutien:
du magasin Auday Musiques
d'Olivier Bronès, luthier à Nîmes

Réservations :Par téléphone au 06 82 00 72 81 ou 09 53 89 00 50
Par internet: officedeconcertnimois@orange.fr

Retrait des billets : au Temple de l'Oratoire, le samedi du concert entre 17h15 et 17h30.


Hommage à Maurice ANDRÉ

Maurice ANDRÉ
avec l'
Orchestre de Chambre de Nîmes:
Gilles DERVIEUX se souvient…
Gilles Dervieux en compagnie de Maurice And


En 1981, les productions musicales du Conservatoire de Nîmes étaient pilotées par 'l'Association des anciens élèves', présidée par André Martin, commissaire de police... dans le civil. À l'instar de ce que propose aujourd'hui l'OCN, cette association fondait ses saisons musicales sur les propositions des professeurs du Conservatoire, dont elle voulait présenter et valoriser les talents.
André Martin me déléguait l'essentiel du travail, mais le lustre de notre entreprise ne lui était pas indifférent et je crois me souvenir qu'il fut l'heureux papa de la suggestion de faire venir Maurice André en soliste de notre orchestre.

photo Robert Ricaulx


C'était un projet pharaonique au regard des moyens dérisoires de notre minuscule organisme ! Mais il s'appuyait sur de solides réalités : Jean André, oncle de Maurice, fut professeur de trompette au Conservatoire de Nîmes pendant de longues années, où il forma nombre d'excellents musiciens, et c'est Raymond André, frère de Maurice, qui lui succéda, pour une carrière non moins fructueuse ! Enfin, Maurice lui-même fit un passage éclair dans notre école, avant de s’envoler vers les succès que l’on connaît.

C'est Raymond qui fut le messager de notre initiative. Maurice avait alors une proposition de concert à Crest, dans la Drôme, et l'idée lui est venue d'y répondre en compagnie de notre orchestre, en amont du concert de Nîmes. S'ensuit alors une incroyable aventure dont les acteurs ont gardé le plus vif souvenir : organisateurs, musiciens... Et auditeurs ! Très vite, dans le Gard, la nouvelle se répand de la venue de Maurice, les réservations pour le concert Théâtre affluent : la ‘Cévenne’ se mobilise tant que notre association se voit rapidement contrainte de refuser des places, essuyant des protestations outragées, menaçantes ! L'idée folle d'improviser un deuxième concert en panique s'impose rapidement. Il faut que le Maître soit encore disponible et trouver un lieu (car le théâtre n'est pas libre) : ce sera l'église Saint Baudile... Pendant ce temps, l'orchestre travaille. Maurice jouait deux concertos en soliste et, pour finir, le très célèbre double concerto de Vivaldi en compagnie de son frère Raymond, cela en alternance avec des pièces pour orchestre à cordes, dont la première et la dernière fugue de l'Art de la fugue, de Jean-Sébastien Bach, que j'avais programmées en ouverture, dans la version proposée par mon maître Marcel Bitsch.

Ces répétitions furent une leçon pour nous tous : la musique jaillissait de cet homme et de sa minuscule trompette piccolo, en si bémol aigu, dont il fit la renommée, avec le naturel d’une source vive. L'éloquence du phrasé se déployait dans cette sonorité unique, éblouissante, qui était la sienne, avec une assurance technique sans la moindre faille, au milieu des pires acrobaties; enfin, son jeu était d'une implacable précision rythmique, de celle que l'on maîtrise lorsque l'on comprend qu'une noire est composée de quatre doubles croches et que ces dernières sont en quelque sorte le 'micromètre' qui permet de donner à la noire sa durée véritable : c'est ainsi que Maurice se tournait parfois vers le claveciniste, qui avait tendance à presser, et lui battait du pied les quatre doubles pour l'inviter à être avec lui exactement sur les temps.

Arrive enfin le premier concert, dans la Drôme. L'orchestre de quatre premiers violons, trois seconds, deux altos, deux violoncelles, une contrebasse et un clavecin est installé cerné dans le chœur de l'immense église de Crest, archibondée; le public est partout : devant, derrière, sur les côtés, plus de mille spectateurs, tout peut arriver et, pendant que Maurice s’échauffe dans la sacristie… Ça arrive !

Une fraction de seconde de distraction ? À mon geste, le chef d'attaque des seconds violons entame la fugue… En doublant le tempo, deux fois trop vite ! Les autres suivent, évidemment… Peut-être aurais-je dû arrêter et reprendre après avoir dit un petit mot pour faire rire, mais l'encerclement inhabituel de tous ces regards n’a pas encouragé ce réflexe (le public, ordinairement, est ‘derrière’ le chef et ne voit pas son visage !). J'ai chanté les notes qu'on aurait dû entendre et la musique a fini par se recaler, au bout d'une quinzaine de mesures, dont Jean-Sébastien Bach, tout génial qu'il fût, n'avait probablement pas prévu l'effet assez… 'Moderne' !

N'importe, Maurice a joué divinement et sa magie a soulevé un enthousiasme délirant, au milieu duquel notre petit impair passa probablement inaperçu, si toutefois il avait été remarqué car, après tout, on peut vivre sans savoir comment fonctionne une fugue!

Il n’y eut pas d’autre incident lors des concerts à Nîmes et, pour autant que je m’en souvienne, l’orchestre fit honneur à son illustre invité, hormis des incidents à l’entrée du Théâtre, puis de l’église Saint-Baudile, car il fallut chaque fois refuser du public …

C’est que Maurice André n’a pas seulement représenté la France, partout dans le monde, il a aussi et surtout incarné les espoirs et la fierté des siens, ceux des Cévennes et plus particulièrement du pays minier, leur foi dans la réussite grâce au travail et au talent, à l’exemple du plus célèbre d’entre eux.

Comme on le devine sur la photo, Maurice aimait vivre… Il s’amusait beaucoup du couple assez cocasse que nous formions sur scène, lui de taille moyenne et bien en chair, moi grand fil de fer et, juste avant l’instant où le photographe a déclenché, il disait en se tournant de profil et tapotant son ventre généreux : « Tu vois, Gilles, les gens ne viennent pas écouter Maurice André, ils viennent VOIR Maurice André ! »

Mais le moment le plus émouvant de ces concerts, au delà de l’extraordinaire prestation de l’immense trompettiste, fut chaque fois le duo que Maurice et Raymond réalisaient dans le superbe concerto de Vivaldi : un moment de grâce, dans cette musique si simple, si directe…
Peut-être parce qu’il n’est pas si fréquent de jouer cette œuvre avec son frère, tout simplement un moment d’amour…

Gilles Dervieux, 5 mars 2012.